Le talent et la volonté d’Igor Nganga l’ont conduit à la CAN

« Quand j’ai signé dans ce pays, un ami m’a demandé ce que j’allais faire là-bas, que cette sélection n’arrivait jamais à rien. Je ne m’attendais pas à ce qu’on se qualifie pour cette CAN, pour être sincère. J’ai renouvelé la sélection, en faisant venir des jeunes. Depuis que j’entraîne en Afrique, il s’agit sans doute de mon plus gros exploit. » Ainsi a parlé Claude Le Roy, quelques heures après la qualification du Congo pour la Coupe d’Afrique des Nations 2015. Le Français, véritable amoureux de l’Afrique, va disputer sa… 8e CAN! Initialement prévue au Maroc, la compétition a été délocalisée en Guinée Equatoriale, le pays du Maghreb craignant pour sa sécurité sanitaire en raison du virus Ebola.

Pas de quoi freiner les Diables Rouges du Congo-Brazzaville, qui ont fêté la qualification pendant de longues heures. Les Congolais, qui ne doivent pas être confondus avec les Léopards de la République Démocratique du Congo, eux aussi qualifiés, se retrouveront  à Brazzaville le 2 janvier, avant de partir pour le Sénégal où ils joueront un match amical face au Cap Vert. Ensuite? Un retour à Brazzaville avant le grand départ pour la Guinée Equatoriale.

Parmi les joueurs cadres de la sélection de Claude Le Roy se trouve Igor Nganga (28 ans), le latéral du FC Aarau. Arrivé à deux ans en Suisse, il a débuté au FC Aigle avant de poursuivre sa formation au Lausanne-Sport. Désormais titulaire indiscutable en Argovie (15 matches et deux buts au premier tour, 31 matches et 5 buts la saison dernière), il se réjouit de cette CAN et nous explique ce qu’elle représente pour lui. Interview.

Igor, si on avait dit au jeune footballeur du FC Aigle qu’il disputerait une Coupe d’Afrique des Nations une fois dans sa vie, il l’aurait cru?

Jamais! Pas une seule seconde! Personne ne misait sur moi et je n’aurais pas pu imaginer faire cette carrière-là. Ca va tellement vite le football… Je repense des fois à mes débuts et ça me fait sourire de voir où j’en suis aujourd’hui.

Et là, la réalité, c’est que vous allez vous disputer la CAN…

Oui, c’est une joie immense, une fierté. Bien sûr! Mais je suis un compétiteur avant tout, et je peux vous assurer qu’au Congo, on a tous une idée derrière la tête en allant en Guinée.

Une idée qui est?

Igor Nganga
(www.fcaarau.ch)

Passer la phase de groupes, déjà, et aller le plus loin possible. Sur un match, quand on le coeur que l’on a, on peut faire des miracles.

Votre groupe est-il jouable? Il y a le pays organisateur, la Guinée Equatoriale, mais aussi le Burkina-Faso et le Gabon. Du lourd, non?

Oui, mais vous savez, on ne misait déjà pas trop sur nous en phase de qualifications… On était dans un groupe avec le Nigéria et l’Afrique du Sud, donc tout le monde nous voyait éliminés, sauf nous!

Vous l’avez quand même été, avant cela!

Oui, d’une certaine manière, nous sommes des miraculés. Nous avions perdu contre le Rwanda lors du tour préliminaire, en matches aller-retour, mais ils ont eu un problème administratif et nous sommes passés. Du coup, comme je vous l’ai dit, on arrive dans ce groupe avec l’Afrique du Sud et le Nigéria et tout le monde nous voit finir largement derrière eux. Mais nous, on a laissé parler les gens. Exactement comme aujourd’hui. J’entends partout que le Gabon et le Burkina sont trop forts pour nous. Tant mieux, ça nous va bien d’être discrets. On parlera sur le terrain.

Surtout que vous avez fait fort lors des qualifications, justement, en allant gagner au Nigéria et au Soudan et en allant chercher le nul en Afrique du Sud!

Oui, on est à l’aise à l’extérieur. Un peu moins à la maison, puisque l’Afrique du Sud et le Nigéria sont venus nous battre chez nous… Mais ça, c’est propre à l’Afrique.

Ah?

Oui, le contexte des matches à domicile, c’est particulier… Il y a beaucoup de pression, des facteurs déstabilisants, le public qui est exigeant. C’est compliqué à gérer, parfois. A l’extérieur, on est entre nous. Et on a été très bien préparés par Claude Le Roy, notre sélectionneur.

Quel rôle joue-t-il dans votre succès?

Un rôle énorme. Chez nous, on l’appelle « La Sagesse ». Il n’élève jamais la voix, mais il est respecté de tous. C’est un grand monsieur, qui connaît très bien l’Afrique, ses codes particuliers. Pour moi, c’est un grand et je le compare à Carlo Ancelotti.

Carrément!

Oui. Il n’a pas son palmarès et si on parle en termes de niveau, il est en dessous, je ne suis pas fou. Mais il a le même charisme et il lui ressemble beaucoup sur le plan du caractère. Il peut nous emmener loin, je vous assure.

Au point de ramener la Coupe à Brazzaville?

Si Dieu le veut… Aïe, aïe, aie, ce serait formidable, ça. Je n’ose même pas imaginer la folie que ce serait! Comme je vous l’ai dit, personne ne mise sur nous, mais nous, on sait qu’on est forts. Qui aurait pu penser qu’on irait gagner au Nigéria? Personne. Mais nous, on le savait. Claude Le Roy nous l’avait dit: « Les gars, je n’ai jamais perdu au Nigéria. Jamais! » On l’a cru et on a eu raison!

Vous-même, vous êtes un des cadres du Congo, c’est juste?

Oui, je fais partie des joueurs sur lesquels le sélectionneur s’appuie. On s’appelle pendant l’année, on reste en contact. Je ne suis pas le seul, bien sûr. Il y a Prince Oniangué, Ladislas Douniama, Francis Nganga, Delvin Ndinga et quelques autres… Nous sommes plusieurs. Nous discutons de tout ce qui a trait à l’équipe, au mode de fonctionnement.

Aux primes, aussi?

Voilà, par exemple. C’est un rôle important, mais qui ne te garantit pas une place de titulaire.

Il y a Chris Malonga, aussi, dans la sélection. Vous vous voyez quelques fois, hors rassemblement?

Non, pas trop. Il est à Lausanne, moi à Aarau, ce n’est pas la porte à côté. Mais il a failli venir chez nous cet été! J’avais instauré les contacts, mais ça n’a pas pu se faire finalement. On est chacun très occupé pendant l’année, mais on se voit avec plaisir en sélection.

Vous avez opté pour le Congo-Brazzaville, mais vous auriez pu jouer pour la République Démocratique du Congo, non?

Oui, tout à fait. J’ai été amené à faire ce choix-là et j’ai choisi le Congo-Brazza. J’ai bien discuté, j’ai été bien conseillé aussi, et je ne peux pas être plus content qu’aujourd’hui.

Revenons un peu à ce jeune footballeur, qui évolue au FC Aigle… Comment est-il arrivé au Lausanne-Sport?

Très simplement. On avait joué un match face aux jeunes du LS et à la fin, un homme nommé Pierre-Alain Praz, que tout le monde connaît, est venu me parler. Il m’a dit que j’avais des qualités et que j’aurais ma place dans les jeunes à Lausanne. C’est lui qui m’a repéré et j’ai beaucoup appris grâce à lui. Il était exigeant et j’ai beaucoup progressé. Je lui dois une partie de ma réussite.

Et là, vous jouez en 2e ligue inter avec le LS, qui venait de faire faillite, et vous partez à Young Boys.

Exactement. J’avais quoi? 17 ou 18 ans, je dirais.

C’est fou, quand même. Vous le jeune homme né en Afrique, arrivé à Aigle à deux ans, formé au LS, vous avez fait toute votre carrière en Suisse alémanique!

Ah mais ça c’est clair! Pour moi, ça a toujours été sûr que j’allais partir là-bas.

Pourquoi?

Parce qu’en Suisse, si tu veux réussir dans le football, c’est de l’autre côté que ça se passe. En tout cas, quand j’étais jeune… Comme vous l’avez dit, le LS était en 2e inter à l’époque, donc quand YB est arrivé, je n’ai pas hésité une seule seconde. En Suisse alémanique, il y a la rigueur, le respect du travail bien fait. J’adore ça, et je m’y suis tout de suite senti très bien. Aujourd’hui encore, d’ailleurs.

En parlant de vous à gauche et à droite, il y a une chose qui revient souvent…

Vous me faites peur (rires)!

En fait, quand on parle à des footballeurs qui vous ont côtoyé durant votre formation, tous nous disent: « Igor, c’était le gars avec le plus de caractère, celui qui voulait le plus réussir ». Vous êtes d’accord avec ça?

Oui, peut-être… J’avais envie de réussir, ça c’est sûr. Peut-être que j’ai fait plus de sacrifices que les autres, que je suis moins sorti le soir. S’ils vous le disent, c’est que ça doit être vrai. J’ai toujours eu la volonté et le goût du travail.

On a même entendu que vous sollicitiez vous-même les clubs, en les appelant, pour montrer votre détermination.

Non, ça ce n’est pas vrai. Qui vous a dit ça (rires)? Non, vous savez, ce n’est pas qu’une question de volonté. Je sais que ça ferait mieux de dire ça dans une interview, mais je savais manier le ballon quand même (rires). Je n’étais pas juste le garçon volontaire, j’avais un peu de technique!

D’accord, mais pour devenir professionnel, il faut le vouloir plus que tout!

Oui, allez, si vous voulez vraiment me le faire dire: d’accord, j’avais plus de volonté que les autres. Allez, question suivante (rires)!

Un jeune comme Ridge Mobulu, qui vient aussi d’Aigle, qu’est-ce que vous lui donneriez comme conseil aujourd’hui?

De ne pas faire les mêmes erreurs que moi, tout simplement.

C’est-à-dire?

Quand j’étais à YB, justement, j’étais trop impatient. Je voulais jouer tout le temps, tout de suite. J’ai fait quelques apparitions en Super League, mais pas assez à mon goût. J’ai donc demandé à partir pour avoir du temps de jeu.

A Chiasso, juste?

Oui, et j’ai d’ailleurs pas mal joué là-bas. Schaffhouse est venu me chercher et j’ai fait plusieurs années de Challenge League.

Avant d’arriver à Aarau, où vous retrouvez enfin la Super League!

La promotion, c’était quelque chose de fort. Et oui, je suis revenu en Super League, mais on en revient au conseil que je pourrais donner à Ridge, celui d’être patient. Il est arrivé au FC Lucerne, une belle adresse du football suisse, et il a encore des choses à apprendre. Il ne peut pas croire qu’il va arriver et tout casser. Au football, c’est comme dans tout, il y a des paliers à franchir, des étapes à passer. Une carrière, c’est ça. Il était en 1re ligue hier et il est à Lucerne aujourd’hui: qu’il prenne le temps d’apprendre le métier.

Et vous alors? A 27 ans, comment voyez-vous l’avenir?

J’ai des idées, bien sûr, et je me vois bien partir à l’étranger.

Une grande CAN peut vous y aider, non?

J’ai d’abord envie d’être bon pour mon pays, pas pour moi. Mais oui, une belle compétition peut servir mes intérêts. Si vous me demandez si mon envie est de découvrir un grand championnat, je vous réponds évidemment oui.

Vous avez envie de quitter Aarau?

J’y suis très bien, mes enfants aussi. On aime la vie là-bas, et je suis conscient de la chance que j’ai d’être un footballeur de Super League, mais c’est évident que je rêve d’autre chose. Je suis sous contrat jusqu’en 2016, avec une option pour prolonger, mais je pense à partir, je ne vais pas le cacher.

Vous revenez de temps en temps à Aigle, où tout a commencé pour vous?

Pas autant que je voudrais! Mais je le fais, de temps en temps. Le plus souvent possible, en fait! J’ai beaucoup d’amis là-bas et j’essaie de leur consacrer du temps, mais avec les matches, la famille, vous savez comment c’est, on ne fait pas la moitié de ce que l’on voudrait faire.

D’autant que là, les vacances ont été raccourcies avec la CAN?

Non, pas vraiment. Je rejoins l’équipe le 2 janvier et Aarau recommence le 5. La seule différence, c’est que j’ai peut-être plus bossé que mes coéquipiers cet hiver. Il faut arriver prêt physiquement le 2 pour faire un super stage. Je suis donc un programme individualisé depuis la fin du premier tour, mais j’ai quand même le temps de profiter de ma famille.

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