«J’ai fait le choix de ce football et je m’y sens bien»

Claude Vergères nous a fait l’honneur d’être la première personnalité du football vaudois à répondre à nos questions. Incarnant à merveille les valeurs du football que nous voulons défendre et promouvoir, l’entraîneur du FC Prilly nous livre sa vision de l’évolution des mentalités et nous explique ses ambitions, un mot qui, chez lui, n’est jamais loin de la notion de plaisir, essentielle. Après avoir commencé sa carrière d’entraîneur en étant encore joueur, à Echallens, il s’en est allé du côté de Renens, puis de Pully, où il est resté six belles années. Après quelques passages à gauche et à droite, de plus courte durée, il est depuis dix ans à Prilly, un endroit où il se sent bien et dont il a contribué à faire de la première équipe une des valeurs sûres de 2e ligue. Technicien fidèle, donc, avec les clubs, mais aussi avec ses adjoints, lui qui n’en a connu que trois tout au long de sa carrière. Ses équipes, partout, jouent bien au football, une des marques de fabrique de celui possède son diplôme d’instructeur ASF. Rencontre avec un grand monsieur du football vaudois.

Claude Vergères, de quoi êtes-vous le plus fier, en vous retournant sur ces dix ans passés à Prilly ?

 

Déjà, il faut être clair, il y a un patron au FC Prilly, c’est le président. Tim Rothwell est là depuis dix-huit ans, sauf erreur, c’est lui qui a contribué à faire de ce club ce qu’il est aujourd’hui. Je suis arrivé alors que le club était en 3e ligue et je me suis engagé pour une année. L’équipe était composée de très jeunes joueurs, qu’il fallait encadrer. Ma mission était de sauver le club de la relégation, rien d’autre.

Et ?

Et on est montés ! Par hasard ou par miracle, je ne sais toujours pas…

Par compétence, peut-être ?

Peut-être… Disons que l’on était une équipe bien organisée, au point tactiquement. Une bonne base de joueurs, des attaquants qui marquent et ça fait la rue Michel, comme on dit !

Et là, après une année, vous partez.

Non, bien sûr que non ! Je ne pouvais pas m’en aller sur une promotion. On accède à la 2e ligue, mais là, on galère complètement, on finit avant-derniers. On n’était pas prêts. Heureusement, cette année-là, seul le dernier était relégué. On se sauve de justesse, et, depuis lors, on n’a pas arrêté de progresser. On a compris que si l’on voulait durer en 2e ligue, on devait se structurer, s’entraîner plus. Voilà qui répond à votre première question. Prilly est devenu le club-référence de 2e ligue dans la région lausannoise, comme a pu l’être Crissier il y a encore peu. Aujourd’hui, clairement, c’est moins compliqué pour nous de faire venir des joueurs qu’il y a quelques années. Ils savent ce qu’ils vont trouver ici. Ils vont pouvoir progresser à Prilly. Et comme l’ambiance est plutôt sympa…

Progresser encore, cela veut dire monter en 2e ligue inter. Dès cette année ?

Oui, la promotion est un de mes objectifs, c’est évident. Pour le club, cela impliquera des efforts pour le club, bien sûr, mais découvrir la 2e ligue inter est un but à atteindre.

Des efforts? Mais il est possible de se maintenir en 2e ligue inter sans tout bouleverser. Le FC Thierrens a gardé le même principe de fonctionnement, et cela lui réussit.

Ce sont les seuls et je leur dis bravo. On ne va pas s’avancer trop, mais en ce qui concerne Prilly, je pense qu’il faudra récompenser les joueurs, et j’insiste sur ce mot. Il faudra se pencher sur cette question, mais cela ne va pas se faire tout seul et chacun devra être traité de la même manière, sans perturber l’esprit d’équipe. La frontière entre la non-rétribution totale et la récompense, elle se situe entre la 2e ligue et la 2e ligue inter.

Pour tous les clubs ?

Pour le FC Prilly.

Avant de penser à la promotion, il faut disputer les finales et, pour cela, rattraper Champvent ou Payerne. Possible ?

Oui. Nous avons déjà distancé un adversaire direct, Concordia, en les battant dimanche dernier (3-1). Les deux prochains matches, à Champvent et à Assens, seront très importants. Nous devons faire neuf points sur ces trois matches. On en a déjà trois… A Champvent, ce sera un tournant, c’est sûr.

Vous préparez-vous spécialement pour ce match ? L’attaque Bencivenga-Drago vous impressionne-t-elle ?

Drago c’est un peu l’inconnue actuellement, même si je suis conscient de ses qualités de vitesse. La clé, de toute façon, c’est Bencivenga. C’est un compétiteur, dans les matches importants, il fait régulièrement la différence. L’objectif, c’est clairement de le marquer, l’enfermer. Lorsque Jean-Philippe Karlen était chez nous, je n’avais pas de souci. Il était aussi malin que Bencivenga. J’ai de bons défenseurs, que l’on se comprenne bien, mais Bencivenga, oui, c’est un problème à résoudre, si j’ose dire. Il y a d’autres bons joueurs à Champvent, c’est sûr, mais lui, il est spécial.

Vous arrive-t-il régulièrement d’adapter votre tactique en fonction de l’adversaire ?

Non, en général, je ne m’adapte pas. Mais face à Bencivenga, oui, et lorsqu’on joue contre Payerne, bien sûr que je vais parler de certaines de leurs individualités à mon équipe. Sinon, on essaie de jouer notre jeu et de l’imposer. Ca va se jouer entre Champvent, Payerne et nous. Les trois équipes ont de la qualité, c’est le mental qui va faire la différence. Nous, il faudra qu’on soit clairement plus forts dans la tête qu’au premier tour.

Que voulez-vous dire ?

La qualité, on l’a. Mais nous avons eu un problème de comportement. Vous savez ce que c’est, la vie d’une équipe… Les rumeurs de vestiaire ont vite fait de déstabiliser un groupe. Les joueurs, aujourd’hui, il faut qu’on leur parle, qu’on leur dise qu’ils sont beaux, les meilleurs… Je suis leur entraîneur, pas leur père ou leur nounou. Leurs états d’âme m’intéressent relativement peu. Je dois m’adapter, mais ce n’est pas mon style, vraiment pas. Vous savez, lorsque j’ai débuté comme entraîneur, dans la case "année de naissance, j’inscrivait "1956" sur la feuille de match. Aujourd’hui, c’est "1994"(sourire)

Constatez-vous une différence entre les générations ?

Oui, c’est une évidence. L’esprit d’équipe est moins présent. Avant, vous sortiez ensemble, tout l’effectif. Aujourd’hui, ils sortent, mais par petits groupes. Disons que les générations précédentes étaient plus solidaires.

Quand la cassure s’est-elle faite ?

Si je prends mon vestiaire aujourd’hui, ceux qui tiennent la baraque en ce qui concerne l’état d’esprit sont les trentenaires. Je dirais donc que les mentalités ont évolué il y a dix ou douze ans. Clairement, les jeunes sont plus individualistes qu’avant.

Est-ce vraiment un mal ?

Je leur dis toujours que je n’ai pas besoin qu’ils s’aiment. Pendant 6 ou 7 heures dans la semaine, oui, j’ai besoin qu’ils partagent. Au moins ça. Après, c’est clair que l’évolution n’est pas uniquement négative. Le message tactique ne passe pas mieux ou moins bien qu’avant. Ceux qui ont envie d’écouter, écoutent. Techniquement, ils sont meilleurs qu’avant, sans souci. Les jeunes d’aujourd’hui sont mieux formés, il y a plus d’entraînements, je n’ai pas peur de le dire. Par contre, en ce qui concerne le mental et le moral, cela devient inquiétant. Pas chez tout le monde, attention, mais c’est une tendance. La plupart des jeunes d’aujourd’hui n’aiment pas le foot, tout simplement ! Enfin si, ils aiment le foot qu’ils voient en Ligue des Champions, là, pas de problème. Mais leur club passe au second plan… Si je demande, aujourd’hui, dans mon vestiaire, contre qui on joue dans deux semaines, je pense avoir 20% de bonnes réponses. Et l’autre chose, c’est qu’à la première contrariété, ils arrêtent. S’ils sont une fois sur le banc, s’ils ont une remarque d’un coéquipier, le risque existe qu’on ne les voie plus.

Ces jeunes d’aujourd’hui sont les trentenaires de demain… De quoi être inquiet pour l’avenir ?

Il y en a qui mûrissent (sourire)

Avez-vous encore la flamme ?

Mais bien sûr ! Je vais entraîner encore quatre ou cinq ans, au minimum. Je veux atteindre les trente ans en tant qu’instructeur ASF. Et, pour moi, être instructeur, cela implique d’entraîner, pour être en contact avec la réalité du terrain. Je ne l’imagine pas autrement.

Ce football vaudois, que nous voulons promouvoir avec ce site, il vous plaît ?

Vous savez, dans la vie, on doit faire des choix. Entre 32 et 37 ans, j’aurais pu partir entraîner en Afrique. Commencer au Maroc, où j’avais des offres fermes, puis, une fois le pied mis dedans, trouver ma place dans ce football-là. J’aurais pu aller entraîner en LNB. Ma réflexion à ce moment-là, était la suivante : comment assurer la vie de ma famille, et y participer ? La solution était de ne pas entraîner au dessus de la 1re ligue. C’est le choix que j’ai fait à cet instant-là, et cela tombe bien, c’est le foot que j’aime, profondément. Pour les gens de ma génération, le foot, c’est d’abord quelque chose de collectif, de convivial. Le match est important, l’après-match aussi. Et à force de s’imprégner de ce football vaudois, on en devient des spécialistes. J’ai fait le choix de ce football, je l’aime et je m’y sens bien.

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