« Bordel, comme dirait Macron »

Président-propriétaire du Lausanne-Sport depuis mai 2015, Alain Joseph jette un regard plein de lucidité sur un milieu avec lequel il peine à être en phase. A la tête d’une entreprise de plusieurs centaines de personnes actives dans le domaine de l’étanchéité, le Belmontais de 53 ans se livre sans filtre. Retour sur son parcours.

Alain Joseph, rappelez-nous votre trajectoire professionnelle.

Après avoir bouclé mes études en HEC, j’ai intégré l’UBS. J’étais attiré par la finance et la bourse. Mais j’ai toujours pensé que je travaillerais un jour ou l’autre avec mon père. Je m’y suis décidé en 1991, au retour d’un voyage de trois mois effectué en Australie en compagnie de quelques potes. A l’époque, l’entreprise Georges Dentan comptait 30 employés. En 1998, mon frère et moi nous avons racheté la société de mon père. Par la suite, nous avons créé et englobé d’autres entités pour éviter l’ennui.

Votre femme doit être une sainte si on consulte votre agenda ?

J’ai beaucoup de chance d’avoir rencontré Laurence. C’était en 1994. Cela se joue parfois à deux ou trois minutes près. C’est une femme et une maman merveilleuse, avec laquelle j’ai quatre enfants. Elle me comprend parfaitement, même quand je me pose devant le poste de télévision, le soir, pour sortir de ma journée de travail.

Votre enfance ?

J’ai vécu à Lausanne. Mes parents étaient locataires d’un appartement dans l’une des tours de l’Avenue du Léman. Ma maman y vit toujours. Je suis parti relativement vite de la maison. A 20 ans, je partageais un logement avec une copine. J’ai toujours eu besoin d’indépendance.

Les premiers contacts avec le Lausanne-Sport ?

Jusqu’à 20-25 ans, j’étais un vrai passionné de football. Je regardais tous les matchs à la TV. Je me rendais régulièrement à la Pontaise aussi. J’attendais même les joueurs à la sortie des vestiaires.

Vous ne vous êtes jamais imaginé à la tête du club ?

Jamais. Ni comme dirigeant, ni comme président. J’ai rêvé d’être joueur, mais il y a peu d’élus pour beaucoup d’appelés dans ce milieu. J’ai tout de même porté les couleurs de Pully, de Concordia Folgore et j’ai fini au FC Vignoble avec quelques potes.

« Constantin s’est fichu de moi »

A quel poste ?

Ailier gauche. Un poste qui n’existe quasi plus. J’écris pourtant de la main droite.

Le football vous intéresse toujours autant ?

Jeune, j’ai beaucoup vibré pour le football. Cela s’est estompé avec les années, parce que je me suis aperçu que ce monde n’était finalement pas aussi vibrant que je le pensais.

Comment partagez-vous vos journées, aujourd’hui ?

J’ai commencé ma onzième saison comme dirigeant. J’ai vécu des périodes très intenses pendant 6-7 ans, où j’étais contraint de rattraper mon travail le samedi, au bureau de l’entreprise. Je suis quelqu’un de basique. J’aime comprendre. Je me suis ainsi beaucoup déplacé en Suisse dans le but d’emmagasiner un maximum d’informations. Je voulais savoir de quoi je parlais. Entre 2007 et 2013, j’ai consacré jusqu’à 90% de mon temps au Lausanne-Sport. Mon corps s’en est ressenti. En 2012, j’ai développé une maladie qui a touché les reins. Je suis d’ailleurs toujours sous cortisone. En été 2013, j’ai racheté le club. J’en ai profité pour prendre du recul et accorder plus de temps à mon entreprise. 75% même depuis une année et demie.

Vous dormez bien ?

Je dors bien, parce que j’ai besoin de dormir. Ça me permet de sortir de toutes ces conneries. Certaines personnes ont d’autres échappatoires. Moi, c’est le sommeil.

Qu’aimez vous et que n’aimez-vous pas dans votre tâche de président du Lausanne-Sport ?

Ce que j’ai apprécié depuis dix ans, c’est le fait d’avoir réussi à faire d’un club de football une entreprise rentable. Quand Jeff Collet a repris le LS, il y avait un million de dettes. Aujourd’hui, le Lausanne-Sport a suffisamment d’argent en caisse pour arriver au nouveau stade sereinement. Etre en finale de Coupe de Suisse ne m’a pas fait sauter au plafond, comme d’avoir participé à la Coupe d’Europe. Constantin s’est fichu de moi quand je le lui ai dit. Pour moi, un trophée est logique si tout le reste fonctionne. En Suisse, il n’existe pas beaucoup de clubs aussi sains que le nôtre. Ce qui me plaît, c’est l’exercice intellectuel et opérationnel de tous les jours. J’aime beaucoup moins rendre des comptes aux gens que je croise. Tout le monde sait toujours mieux que vous. »

« Je suis prêt à vendre le club demain si… »

On vous sent remonté contre ce milieu ?

J’ai eu la chance de côtoyer le professeur René Prêtre. Peu de personnes sont capables de faire ce que ce chirurgien du cœur fait. Bordel, comme dirait Macron, les gens du milieu du football se croient intouchables. Ils pensent que le foot, c’est scientifique, et que ceux qui ne sont pas du sérail n’ont rien à dire. C’est une caste qui pense qu’elle détient le pouvoir. J’ai toujours admis que je ne connaissais pas bien ce sport, mais les théories à propos de certains joueurs m’insupportent. Lucien Favre, lui, a compris que certaines personnes qui ne sont pas du milieu du foot peuvent aussi lui amener quelque chose. Le seul coach que j’ai connu et que j’estime être sur cette ligne, c’est Martin Rueda.

Le débat sur le directeur sportif ?

Une débilité sans nom. Quand un transfert ne marche pas, c’est parce qu’il n’y a pas de directeur sportif. En revanche, lorsque tu fais venir des Margiotta, des NKombo, Kololli, Yannis Tafer, Yannick Ravet, que personne ne connaissait, là, personne n’en parle. C’est un sujet qui m’horripile. Si on fait le bilan des réussites et des échecs dans les transferts ces dernières années, on peut se regarder dans la glace avec Jeff. C’est plus que positif, par rapport à tout ce que ces diplômés UEFA nous ont proposés. Il n’y aura pas de directeur sportif au Lausanne-Sport, pour l’instant.

Le club est-il à vendre ?

Je vais tourner cette question autrement. Très vite, j’ai compris que Jeff et moi on avait fait beaucoup de bien à ce club, mais on n’a pas ajouté des paillettes. Quand on a repris le club, il y avait un entraîneur pro, un assistant qui travaillait à 50% à la poste, ainsi qu’un entraîneur des gardiens qui dirigeait un EMS. Aujourd’hui, dans les vestiaires, on arrive encore à me dire que s’il existait un directeur sportif, on parviendrait à régler ci ou ça. Dans ces mêmes vestiaires, il y a aujourd’hui 6 pros à disposition des joueurs. On a donc fait progresser les choses. J’ai envie de leur dire d’arrêter de me casser la tronche et de faire leur boulot ! Pour revenir à votre question, si des gens sains, et avec d’autres moyens, se présentent, je leur vends le club demain matin. J’ai le sentiment d’avoir fait le tour de ce milieu. Je me réjouis de le quitter. Le moment est venu pour qu’il y ait cette transition. J’espère que cela se fera avant l’apparition du nouveau stade. Celui qui le gérera doit pouvoir s’y préparer. Peut-être aussi que je serais encore président du Lausanne-Sport dans dix ans, mais j’en doute !

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