Fadil Kosumi n’a pas fini de se faire entendre

Cela faisait longtemps que l’on voulait parler avec lui, Fadil Kosumi. La première fois où on l’a vu, il gardait les buts du FC Orbe, où il a obtenu la promotion en 2e ligue. Ensuite, on l’a retrouvé un peu partout dans le canton, de Saint-Prex à Morges, en passant par Porto Lausanne aujourd’hui. Jamais on ne lui avait parlé, mais on avait souvent été impressionné par la qualité de son jeu au pied et son caractère et on s’est toujours demandé pourquoi aucun club de 1re ligue ne faisait appel à lui, comme titulaire ou comme remplaçant, du moins au début.

Alors, on s’est approché de lui, autour d’un terrain, un jour où il était venu voir jouer des copains un dimanche matin. On lui a demandé s’il serait d’accord de nous parler de lui, tout simplement, mais il a commencé par se montrer réticent. « Je n’ai rien fait de spécial », s’est-il justifié. On a insisté une fois de plus, quelques semaines plus tard. Il a fini par accepter de s’asseoir autour d’une table avec nous, à Chavannes-près-Renens, un beau vendredi d’été.

L’entraînement de Porto, sa nouvelle équipe, va commencer dans quelques minutes, mais il prend le temps de nous raconter son parcours et une partie de qui il est. Avant de s’excuser, très poliment: ses nouveaux coéquipiers l’attendent.

 

Son départ à Servette à 15 ans

J’ai grandi à Crissier, parce que le foyer de la FAREAS s’y trouve. J’ai toujours aimé le foot et j’ai commencé là, au FC Crissier. J’ai été aperçu par le Lausanne-Sport où je suis allé très jeune et là, j’ai commencé à montrer de belles choses. J’étais vraiment à fond dans le foot et j’ai eu de belles propositions. Il y a eu des clubs français, comme Sochaux, mais mon père n’est jamais entré en matière. Mon père, c’est un mécano, un homme qui n’a rien envie de savoir du football. Pour lui, il était tout simplement exclu que je quitte le canton de Vaud à 14 ans pour aller dans un centre de formation, il ne comprenait rien à tout ça. Je suis resté à Lausanne, avec Charly Serex et Pierre-Alain Praz, notamment. Et puis un jour, j’ai eu la chance d’aller à Servette, grâce à Diego Sessolo. Je m’en rappellerai toute ma vie, c’étaient des moments forts pour un gamin comme moi, venu du Kosovo… J’ai fait signer tous les papiers à ma mère, je lui ai dit de ne pas s’en faire (rires). Je suis sorti du train à Coppet et M. Sessolo était là pour m’accueillir et m’amener à Servette. Je peux vous décrire encore aujourd’hui chaque kilomètre parcouru. Je sais que ça peut paraître bête pour un gamin d’ici, mais pour moi, c’était un moment fort. J’avais l’impression de lancer ma carrière, j’avais 16 ans.

 

Le manque de sérieux

C’est là que j’ai tué ma carrière professionnelle, en fait, d’entrée. Je n’ai pas été sérieux du tout et je le regrette encore aujourd’hui. J’ai laissé passer ma chance et j’ai compris aujourd’hui, trop tard, que les qualités ne suffisent pas. On m’a tellement dit que j’avais du potentiel, que j’étais fort, que je pensais que ça allait venir tout seul. Mais surtout, j’ai rencontré une fille, et je me suis détourné du foot. Des soirs, je n’allais même pas à l’entraînement, je préférais rester avec elle. Je pensais que c’était ça la vie, j’étais tellement bête… J’habitais chez Xavier Hochstrasser, c’est le seul qui a percé de l’époque, avec Genséric Kusunga. Tous les autres, aujourd’hui, ils ne sont pas professionnels. J’ai des regrets sur cette période et avec le recul, je ne peux pas en vouloir à Servette, qui m’a fait partir.

 

Sa carrière amateur

Je suis arrivé à Yverdon Sport, qui était le seul club qui voulait bien m’accueillir. Les portes de l’équipe première étaient fermées, donc j’ai commencé ma carrière de footballeur amateur. Orbe, puis Dardania et Forward Morges, avant Saint-Prex et Renens. Il y a encore eu des étapes entre temps, mais courtes. Disons que ce sont les principales. Je ne me suis jamais vraiment attaché nulle part. Ce que j’aime, c’est le foot, jouer. J’en ai toujours fait une priorité. Bien sûr que j’aurais aimé jouer à plus haut niveau, moi qui ne suis jamais allé plus haut que la 2e ligue inter, mais peut-être que ce n’est pas fini… Je n’ai que 27 ans et je suis ouvert à toute proposition. Je suis sûr que j’ai encore les qualités et à mon âge, pour un gardien, c’est possible d’y croire encore.

 

Son caractère bouillant

Je suis insupportable parfois, je sais, c’est de la folie. Tout le monde me le dit et j’en suis conscient, mais je veux tout le temps gagner. Je déteste prendre un but, que ce soit en match ou à l’entraînement. J’ai un caractère très fort, mais je me suis déjà bien calmé avec les années… Après, c’est vrai que je peux péter les plombs pour un but encaissé et ça me fait du tort. Je parle beaucoup, je suis exubérant sur un terrain, mais la naissance de mon fils, qui a 5 ans aujourd’hui, m’a fait du bien. J’ai mûri grâce à ça, mais je déteste toujours autant encaisser un but, ça c’est clair (sourire).

 

Son jeu au pied

J’adore ça! Je vais vous faire une confidence: en fait, je voulais rester à Renens et jouer dans le champ en 3e ligue. Je suis sûr que j’ai le niveau, je me suis entraîné comme attaquant ces derniers temps et j’étais prêt à faire mes débuts. Je frappe fort et précis et j’ai une bonne technique, tout le monde le dit, donc je voulais essayer. Mais la proposition de Porto est arrivée et elle était trop intéressante à tous les niveaux pour que je dise non.

 

L’argent dans le football

Pour moi, il amène des responsabilités, et ce n’est pas négatif. Moi, comme joueur, les quelques francs que je touche, je dois les mériter en étant bon sur le terrain, mais aussi à l’entraînement. On ne va pas se cacher qu’il y a des défraiements dans le football amateur et moi, je ne trouve pas cela malsain du tout si c’est bien géré. Je suis paysagiste, je rentre tard de mon boulot à Vevey et je suis heureux de pouvoir offrir des vacances à mon fils et à ma femme grâce au football. Sinon, c’est bien simple, je ne pourrais pas. Là, je suis loin deux soirs par semaine et quand on est en vacances en famille, on profite d’être ensemble. Moi, ce que je ne supporte pas, ce sont mes coéquipiers qui se permettent de ne pas venir à l’entraînement ou de ne pas être sérieux. Non! Le club compte sur toi, il te donne quelques centaines de francs, donc sois au moins correct vis-à-vis du président et du maillot que tu portes. Vous pouvez interroger tous les présidents de club sur moi, ils vous diront tous que j’ai été correct. Par contre, moi, il y en a un que je croise souvent et qui me doit de l’argent. Il le sait très bien. Je n’aurai jamais ces sous, mais quand je lui serre la main, ce n’est pas moi qui baisse les yeux.

 

Le football, plus qu’un jeu

Le foot, pour moi, ce n’est pas juste un jeu. J’adore ça, c’est ma passion. Mais quand je dis que je suis passionné, c’est vraiment ça, ce n’est pas juste pour dire un mot… Je regarde le plus de matches possibles, je lis tous les articles, je suis vraiment à fond dans le foot amateur. J’ai un peu de la peine à comprendre les pros qui ne connaissent pas les joueurs de leur propre équipe… Quand je suis arrivé à Porto, je savais très bien où j’arrivais, qui étaient les joueurs, lesquels étaient les plus forts. J’habite Renens, juste à côté de Chavannes, et je viens très souvent aux matches.

 

La relégation avec Renens

C’est la seule relégation que j’aie eu de ma carrière. Je devenais fou, il n’y avait aucun esprit de révolte, rien. Le dernier match à Grandson, il n’y a même pas eu de match. D’un côté, Grandson voulait se sauver et de l’autre, nous, on était juste venus là pour perdre. Je n’ai pas grand-chose d’autre à dire, juste qu’il n’y avait pas photo sur cette rencontre. Quand vous n’êtes pas uni pour atteindre un objectif, vous n’avez aucune chance de l’atteindre. Moi, je suis arrivé à Noël, mais ça restera toujours une tache dans ma carrière, cette relégation.

 

Porto, une nouvelle promotion?

Ce qui est sûr, c’est qu’on a tout pour bien faire. Il y a un nouvel entraîneur, venu du Portugal, et des nouveaux joueurs. L’objectif, il est clair, c’est la promotion. Je suis venu pour ça, Nelson Teixeira et Amir Demiri aussi. Le président a été clair et comme je vous l’ai dit, on a une certaine responsabilité vis-à-vis de lui. Mais je me méfie énormément de ce groupe 3, je l’ai dit à tout le monde! Il ne faut pas se mentir, tous les Lausannois pensent que c’est facile d’aller jouer à la campagne. Il ne faut pas qu’ils me disent que c’est faux, je les entends parler (rires)! Mais moi, je sais très bien qu’on peut aller perdre à Baulmes, Champvent II et Grandson II, même avec cette équipe. Porto a perdu à Ependes cette saison, non? Et bien voilà. Franchement, on a commencé les entraînements depuis quelques jours et je pense qu’on a un des meilleurs milieux de terrain de toute la 3e ligue. Même en 2e ligue, on rivaliserait. Mais pour l’instant, on n’est que des individualités, on a encore pas trouvé notre esprit de groupe. Ca va venir, j’espère. On se voit après les entraînements au restaurant du président, on fait connaissance, c’est sympa. Là, c’est l’été, on rentre à minuit, 1h du matin… Ce n’est pas dans tous les clubs comme ça, mais il faut qu’on trouve de la cohésion. Si on y arrive, si on est une vraie équipe, on sera en 2e ligue l’année prochaine, avec la qualité qu’il y a dans ce groupe. Mais si chacun joue pour lui, on n’y arrivera pas. Je n’ai que 27 ans, mais ça, je l’ai déjà compris.

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