Boveresses, un autre football est possible

Tony Giancreco est le président-fondateur du FC Boveresses. Ce club de quartier des hauts de Lausanne est né en 2007 et se révèle être un cas à part dans le monde du football vaudois. Quelques semaines après la brillante promotion de la première équipe de 4e en 5e ligue, nous avons décidé de comprendre ce qui faisait la particularité de ce club.

Pour cela, il suffit de se rendre un mercredi après-midi dans ce quartier. Le terrain est occupé en permanence par les éducateurs du club et respire la bonne humeur et la passion du foot. Des gamins de tous âges, filles et garçons confondus, qui écoutent les consignes, mais n’ont qu’une envie: aller jouer. Des cris, des pleurs, des buts, de la joie, une identification claire aux couleurs du quartier (« Ici, c’est Boveresses! ») et, partout, une reconnaissance pour le travail effectué afin qu’ils puissent jouer. Comme sur tous les terrains du canton? Oui, sans doute. Mais avec un petit quelque chose de différent quand même, comme nous l’explique le président…

La fondation du club

Il y a sept ans de cela, je me trouvais à une assemblée de quartier, ici à Boveresses. C’est un quartier, disons, compliqué. Vous pouvez sortir le soir, il ne faut pas exagérer, mais c’est vrai qu’il peut y avoir une vitre cassée de temps en temps… Enfin bon, moi j’y habite depuis des années et je m’y sens bien. Nous sommes à cette assemblée et, au bout d’un moment, je dis que ce serait le moment de nous occuper de ces jeunes! Qu’est-ce qu’on me répond? Il y a le tennis. Le tennis! Mais vous savez combien ça coûte une raquette? Et louer le court? Enfin bref, je m’énerve un peu et dis: « Mais enfin, il y a le terrain de foot là en bas! Personne ne l’utilise à part pour faire des grillades l’été! Pourquoi ne pas créer un club de foot? » L’idée de me venait de mon ami Berima, mais je l’avais trouvée intéressante, elle me trottait un peu dans la tête. Bref, je prends la parole, mais sans trop savoir pourquoi.

Le foot, j’avais dit stop après le drame du Heysel. Voir Platini jouer face aux cadavres, alors que j’étais un supporter de la Juventus… Du jour au lendemain, je n’ai plus regardé de foot. Par conséquent, qui va s’occuper de la création du club? Là, tout le monde me regarde un peu narquois et me dit: « Ben, fais-le, toi! ». J’ai dit d’accord. J’ai pris mon chapeau et j’ai fait le tour de toute l’assemblée. J’ai récolté 50 francs, je crois. La somme n’est pas importante, vous l’avez bien compris, mais c’était pour le geste. Alors, je me suis dit: « Mon ami, tu t’es engagé, il faut assumer. » L’été suivant, j’ai créé une équipe de petits. Ils étaient une dizaine au premier entraînement en 2007, âgés entre 7 et 10 ans et tous habitant le quartier. Nous nous sommes inscrits à l’ACVF et c’était parti!

Le développement du club

Au début, on n’avait rien. Mais quand je vous dis rien, c’est rien. Pour faire les plots sur le terrain, je prenais les jouets des enfants! C’est la vérité, il fallait dribbler un lego pour tirer au but! Mais j’étais heureux, tout simplement. Aujourd’hui, on a 12 équipes et 250 juniors, filles et garçons. Vous vous rendez compte? Moi, toujours pas! Ma plus grande fierté, c’est lorsque j’ai entendu les chiffres de la Police. Elle nous a dit que les interventions avaient baissé de 90% dans le quartier depuis que nous avons créé le club! 90%! Mais attention, tout n’a pas été facile.

Au début, je vous le dis, nos joueurs étaient craints. Il y avait une part de mauvaise réputation et une part de réalité. Il y avait certains comportements, bon… Pas besoin de vous faire un dessin, je crois. Mais ces mêmes enfants, aujourd’hui, viennent vous serrer la main, vous disent bonjour et au revoir. Et si la touche n’est pas pour eux, ils la donnent à l’adversaire. Bon, ça, pas toujours, d’accord (rires). Aujourd’hui, on est un vrai club, vivant! Et même bien plus vivant que d’autres clubs formateurs du coin. Vous savez, à l’époque, certains nous ont pris de haut. Aujourd’hui, avec nos 250 juniors, on se dit qu’on a réussi «quelque chose». Et ces enfants, à 90%, sont du quartier des Boveresses. Ce dernier compte environ 6000 habitants, pas besoin d’aller chercher des enfants ailleurs. Mais il y en a quand même, des copains des copains… Vous voyez comment.

Le bénévolat

Chez nous, tout le monde est bénévole. Les joueurs, bien évidemment, mais aussi les entraîneurs. Ils ne touchent pas un franc. Que ce soit en actifs ou en juniors, ils peuvent amener leurs tickets d’essence, mais c’est tout, et encore… Nous avons un ou deux sponsors, pas plus, et nous vivons uniquement des cotisations. Avec cet argent, on achète du matériel et on essaie de faire des sorties. Je vais vous dire, quand on prend un enfant en voiture pour aller faire du karting ou aller à Aquaparc et qu’il vous dit n’avoir jamais pris cette route ou n’être jamais allé à la piscine avec les larmes aux yeux… Comment voulez-vous ne pas vous dire que ce que vous faites est bien?

Ce n’est pas toujours facile d’encaisser les cotisations, forcément. Il y a des familles ici pour qui 5 francs, c’est 5 francs. Vraiment, elles comptent à 5 francs près, je n’exagère pas. Je connais tout le monde ici, j’habite là, je fais mes courses là… Ceux qui galèrent vraiment, je les connais et leur propose un arrangement de paiement. Avec les autres, je suis intransigeant. Celui qui ne peut pas payer 150 francs de cotisation à son enfant, mais se bourre la gueule toute la journée, je l’interpelle et lui dis qu’il ferait mieux d’arrêter de boire et envoyer son enfant faire du sport! Je lui parle comme ça! Des fois, si vous voulez vous faire comprendre, vous êtes obligé. Alors oui, c’est dur de faire entrer les cotisations, mais on arrive, bon an mal an, à équilibrer le budget. Et s’il manque 1000 francs pour qu’une équipe parte à Aquaparc, c’est mon budget personnel qui prend… Je ne suis pas riche, mais ma foi, c’est aussi ma manière de m’impliquer. Mais je le fais uniquement si je sais que tout le monde a joué le jeu.

Les entraîneurs passent leurs diplômes

Je suis intransigeant là-dessus. Nous sommes un club affilié à l’ACVF. Chez nous, un entraîneur ne touche pas d’indemnités mais, en contrepartie, toutes les formations sont payées par le club. Au début, tout le monde m’a dit: mais tu es fou, ils ne vont pas rester longtemps, tes coaches! J’ai dit, c’est comme ça ou rien. Résultat, j’en ai un qui est là depuis le début et d’autres depuis des années. Une fois, un entraîneur est venu et a tenu deux semaines. Il ne pouvait pas rester dans ces conditions. Bon, et bien va voir ailleurs, merci! Nous sommes un club de bénévoles, on le revendique. D’ailleurs, à ce juste titre, nous remercions tous nos entraîneurs de leur implication au sein du club. Pourquoi toujours parler d’argent? On ne peut pas parler de football, non? C’est ce qui m’énerve le plus quand je discute avec les autres clubs. « Les joueurs touchent des primes… » Je deviens fou. Des primes de quoi? De jouer en 3e ligue? Mon Dieu…

Les installations

Tout d’abord, nous tenons à remercier vivement le Service des Sports de la Ville de Lausanne. Ce dernier nous a soutenus alors que nous sommes partis de rien. Il nous a mis à disposition un terrain sur lequel s’entraînent toutes nos équipes et nous a même construit une buvette avec des vestiaires. Puisque notre terrain n’est pas homologué pour le foot à onze, notre I joue à Valmont, pas très loin. Mais aujourd’hui, au vu du nombre de membres et la suroccupation du terrain, il serait préférable d’avoir un terrain synthétique. En effet,  nous avons 250 enfants et deux équipes d’actifs… pour un seul terrain! Les entraînements se font sur un quart de terrain. Alors le travail d’intégration, on le fait, et je ne vais pas m’en plaindre, parce que c’est moi qui l’ai voulu. Mais là, il faut nous aider.

L’aspect sportif

Notre première équipe va monter en 4e ligue grâce au super boulot de José Antonio Garcia et nous allons créer une nouvelle 5e ligue. Ceci afin que nos juniors B puissent découvrir le monde des actifs avant d’aller jouer en 4e ligue. En effet, n’ayant pas de juniors A, il serait exigeant de leur demander de jouer à un niveau trop élevé tout de suite. On a eu la promotion, une grande joie. Jusqu’où allons-nous aller? On joue pour gagner, mais j’espère que vous avez compris que ce n’est pas à tout prix. En fait, ce n’est à aucun prix (rires).

Son rôle au club

Président-mécène (rires). J’ai eu des équipes de juniors et actuellement la 4e ligue. Mais bon, je m’occupe aussi de la buvette. Kebabs, sandwiches, pizzas, etc. Si je touche un pourcentage des ventes de la buvette? Mais vous n’avez toujours rien compris, en fait (rires).

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