La première équipe d’Epalinges au bord de l’implosion

Karim Bouzourène ne s’en cache pas: il n’a rien d’un mécène. Président du FC Epalinges depuis la fin de l’année 2015, il fait du mieux qu’il peut pour gérer ce club historique de la région lausannoise et admet ne pas compter ses heures. Il délègue, pourtant, et explique que plusieurs commissions ont été créées pour subvenir aux besoins des 50 actifs et des 150 juniors que compte son club, à peu près. Parce que pour lui, le FCE doit absolument être un club de la tête aux pieds, formant un tout. En clair: trancher avec la vision de son prédécesseur, Martial Diserens. « Lui, il ne pensait qu’à la première équipe. C’est ce qui nous a poussé à agir. » Nous? Son nouveau comité, en place depuis quelques mois à peine.

Martial Diserens se retire quelques jours après avoir été réélu

En clair, Martial Diserens, président depuis 2006, a été réélu lors de l’assemblée générale ordinaire, à l’automne, malgré la concurrence de Karim Bouzourène. Les deux hommes se sont affrontés, « l’ancien » a gagné. Mais, surprise, quelques jours plus tard, Martial Diserens a démissionné. Une assemblée générale extraordinaire a été mise sur pied, lors de laquelle Jean-Luc Fleury devait être élu président et Karim Bouzourène s’occuper des juniors. Mais Jean-Luc Fleury s’est retrouvé subitement endeuillé et n’avait plus la tête à reprendre un club. Le dernier nommé s’est retrouvé président… sans vraiment le vouloir sur le coup.

« Et là, beaucoup de choses sont arrivées d’un coup. Il a fallu gérer les priorités, notamment financières », explique-t-il aujourd’hui. Gérer un club n’a rien de facile, surtout sans trop d’expérience à ce niveau. Et, forcément, les premières critiques internes sont très vite apparues. Surtout que l’image que tentent d’imposer les nouveaux membres du comité, faisant passer Martial Diserens pour un président obnubilé par la première équipe, ne passe pas. « Il a entraîné des juniors, il s’est occupé des petits gardiens pendant des années. Et tous les sponsors qu’il a amené ont fait du bien au club dans son entier », argumentent plusieurs membres actuels du club, qui décochent leurs flèches en direction du nouveau président.

Un robinet passé d’ouvert à fermé en peu de temps

Les premiers à dégainer? Les joueurs de la première équipe, en 2e ligue, lesquels ont vite compris que le beau temps était révolu en ce qui concerne leur indemnités. Martial Diserens, disons-le ainsi, est un homme qui attache de l’importance à sa première équipe et qui a de nombreuses relations. Au fil des années, il a construit une belle équipe, composée de jolis noms (Mourad Boutafenouchet, Toumi Trabelsi, Geoffrey Cadet). Sans le dire, en tout cas ouvertement, il visait même plus haut que la 2e ligue. Avec de solides sponsors dans sa manche, Martial Diserens avait de quoi voir venir et aucun de ses joueurs ne s’est jamais plaint de quoi que ce soit. Depuis son retrait, forcément, le robinet coule moins fort. Voire plus du tout.

Deux très gros sponsors sont partis avec Martial Diserens

« Deux gros sponsors se sont désengagés depuis son départ », confirme Karim Bouzourène, surpris. « Ces gens n’étaient pas là pour le club, mais pour l’ancien président, à cause de ses affaires. Alors, on a décidé de prendre une autre direction, en recréant un climat de sympathie autour du club. On a mis sur pied une commission de sponsoring, pour aller chercher des partenaires plus modestes, mais fidèles à un club, pas à un homme. Mais tout cela prend du temps. » L’argent, en attendant, n’est plus là, et il a bien fallu aller l’expliquer aux joueurs. « On s’est battus pour tout leur payer en décembre. Mais pour le deuxième tour, nous avons été clairs: il n’y aurait plus que des primes au point. Plus de défraiement fixe. » Et ça, forcément, ça ne plaît pas à tout le monde.

Toumi Trabelsi: « Je veux rester ici »

Ainsi, Toumi Trabelsi a pris la tête de la révolte des joueurs: « Ce n’est pas une question d’argent, c’est pour le principe. Je pourrais partir demain, j’ai des propositions supérieures à ce que peut m’offrir Epalinges, même à mon âge. Mais je veux rester ici. On a construit une équipe soudée, où l’amalgame commence à prendre. Cela fait longtemps que je n’avais pas été dans un vestiaire aussi sain. Et là, le nouveau président, un homme qui ne connaît rien au football, veut tout casser, parce qu’il n’a pas les épaules pour présider un club. » Si Toumi Trabelsi a une qualité, c’est de toujours dire ce qu’il pense, en face d’un journaliste ou pas.

Karim Bouzourène: « Ma volonté, c’est qu’ils restent. Mais s’ils veulent partir… »

Reste que l’heure est grave, en ce qui concerne la première équipe du FC Epalinges. Trabelsi toujours: « Je vais être clair: l’équipe va exploser. Pour moi, ce qui se passe est intolérable. Et ne me faites pas passer pour un mec qui ne regarde que l’argent. Entre le moment de l’élection du nouveau président et la première fois où il est venu nous parler, il s’est passé un mois! Un mois! Vous vous rendez compte? La vérité, c’est qu’il se moque de la première équipe: il n’y a que les juniors qui l’intéressent. Il s’en fiche complètement de nous. On a eu des entretiens individuels il y a quelques semaines. Il les chronométrait… Je n’ai jamais vu cela en vingt ans de football ». 

Karim Bouzourène admet ne pas avoir rencontré les joueurs tout de suite, mais contre immédiatement: « Oui, j’ai attendu un mois. C’est vrai. Pour les entretiens individuels, oui, ils étaient minutés dans le temps, parce que je voulais voir tout le monde et que les suivants attendaient leur tour. En passant, seuls deux-tiers des joueurs sont venus… Mais si j’ai attendu un mois pour voir les joueurs, c’est parce qu’il y avait d’autres soucis à régler! En comité, on ne parlait que de cela, de la manière dont on allait les payer. Tous les jours, je parlais de la première, même si ce n’était pas face à eux. La vérité, elle est claire: ils veulent toucher autant d’argent au premier tour et ce n’est pas possible. Ma volonté, c’est qu’ils restent tous au club. Mais s’ils veulent partir… »

Jean-Luc Kringel: « Je suis très inquiet »

Toute la problématique est là: les joueurs de la I d’Epalinges veulent rester au club. Mais personne n’est dupe: si les leaders partent, alors les joueurs de « complément » (pardon pour eux) partiront aussi. Et les juniors A, la relève des prochaines années, pourrait partir aussi. Pour dire les choses clairement: Epalinges est à quelques jours de retirer sa première équipe du championnat de 2e ligue. Jean-Luc Kringel, son entraîneur, en a bien peur: « Oui, c’est un scénario très probable, je vous le confirme. Je suis très inquiet. Je suis en contact permanent avec les joueurs et je vois bien leurs inquiétudes. Je vous le dis sincèrement: je m’attends au pire. »

Karim Bouzourène: « Je ne vais pas dépenser l’argent que le club n’a pas »

Karim Bouzourène le sait bien, Epalinges pourrait ne pas avoir d’équipe au deuxième tour en 2e ligue. « Mais je tempère un peu. Pour l’instant, à l’heure où on parle, seuls 4 ou 5 joueurs m’ont dit formellement qu’ils allaient partir. Toumi Trabelsi, puisque vous me parlez de lui, ne m’a rien dit. Après, on fera le point dans quelques jours. S’il nous reste 14 joueurs, on complètera avec notre réseau, des joueurs qui voudraient venir chez nous. S’il en reste moins, on regardera avec les joueurs de la II, en 4e ligue. Et s’il en reste 3 ou 4, on retirera l’équipe. Mais je le répète, ce n’est de loin pas ma volonté. Je tiens à cette première équipe, mais je ne vais pas dépenser l’argent que le club n’a pas. Ou n’a plus. »

Les flèches volent en direction du président

Promouvoir les joueurs de la II? Jean-Luc Kringel n’y croit pas: « Impossible. Enfin si, c’est possible, mais je ne suis pas sûr qu’ils le veuillent vraiment. Et soyons clairs: ils vont se faire tourner autour. En vous disant cela, le président confirme qu’il ne connaît rien au football. Il n’a aucune idée de ce que cela veut dire de gérer un club. Je lui l’ai dit en face, je vous le dis à vous: il n’est pas l’homme de la situation » Des critiques qui ne perturbent pas Karim Bouzourène: « Je n’étais pas un grand joueur. J’ai joué dans des petites divisions en Algérie et en Suisse. Et alors quoi? Je sais ce que veut dire tenir un budget et c’est le plus important. »

Un président prêt à partir? Oui, mais pas n’importe comment

La fronde n’est pas terminée, à en croire Toumi Trabelsi: « On va rencontrer le président d’honneur Daniel Christen dans les prochains jours, on veut trouver une solution pour ne pas que cette première équipe explose complètement. On veut discuter avec lui, on veut expliquer aux gens ce qui se passe à l’intérieur du club, que tout est en train de disparaître. » Avec, comme but ultime, le départ du président Karim Bouzourène, après seulement quelques mois en poste. « Franchement, pour ce que club vive, il faut qu’il parte », attaque le capitaine du FCE. La réaction du principal intéressé? « Pfff… J’entends qu’ils veulent mettre sur pied une assemblée générale, tant mieux pour eux. Si je vais m’en aller? Ecoutez, si un homme que je ne connais pas aujourd’hui arrive avec de l’argent, une vision pour les juniors, une envie de faire progresser le FC Epalinges dans son entier et pas seulement sa première équipe, je m’en vais immédiatement. Mais celui-là, il faut déjà le trouver. »

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