David Lugeon et la «première faute»

Il a quitté le FC Gingins cet été, après deux saisons très satisfaisantes, voulant prendre un peu de repos et de recul. David Lugeon a proposé à Footvaud de publier aujourd’hui une lettre ouverte, où il détaille un concept qui lui plaît assez peu, celui de la «première faute» offerte à chaque joueur ou presque. A lui la parole.

La première faute, lettre ouverte

Cela fait maintenant deux ans que le fair-play s’est institué comme la référence de départage au classement des ligues inférieures, en lieu et place du goal-average. Le principe en est simple: le nombre de cartons augmente «l’indice fair-play» des équipes, un jaune valant un point et un rouge pouvant se décliner à plusieurs échelons de gravité en fonction de sa cause. Cet indice a le mérite non seulement de pousser les équipes à prendre moins de cartons, mais aussi à mettre en lumière de manière significative quels sont les clubs qui jouent le jeu et ceux qui sont coutumiers des bas-fonds en terme de fair-play.

Jouer la gagne et le fair-play, c’est possible

Bien entendu, on peut s’attendre à ce qu’il soit difficile de jouer à la fois la gagne et le fair-play, considérant la nature assez musclée de notre sport favori. A ce jeu-là pourtant, deux équipes s’en sortent plutôt bien en 3e ligue vaudoise. Sur 48 équipes engagées, Stade-Lausanne-Ouchy II se classe deuxième au fair-play (avant les finales) et termine en solide leader du groupe 1. Une performance qui me laisse personnellement admiratif, pour avoir joué deux fois contre cette équipe: jeune, appliquée et surtout très disciplinée.

Gingins: aucun joueur suspendu cette saison!

Et puis Gingins, sur ses talus: équipe qui se classe deuxième au fair-play l’an passé, et première cette année, devant Stade-Lausanne-Ouchy II justement, tout en restant jusqu’au bout dans un esprit de gagneurs malgré les très nombreuses blessures de ce deuxième tour. Aucun joueur de l’équipe n’a été suspendu durant cette année. Preuve, s’il en était besoin, qu’il n’est pas si compliqué que cela d’avoir une équipe à la fois volontaire et respectueuse de l’éthique sportive.

Pas de carton d’entrée, même s’il y a des blessés

Néanmoins, après ces deux ans passés à la tête de ce club méritant tous les éloges au niveau humain, un certain agacement demeure quant aux moeurs liées à l’arbitrage vis-à-vis de ce fair-play. On est en effet en droit de se demander si l’arbitrage des ligues inférieures favorise cette volonté affichée par les associations de football. Je vous relate donc un scénario malheureusement bien trop souvent répété d’un match de foot de troisième ligue. Sous couvert de sa «première faute du match», un joueur se permet une bonne «sarclée» (terme d’usage, même s’il en existe d’autres) dans les premières minutes, que l’arbitre, très bon au demeurant, sifflera mais sans donner d’avertissement. Chaque joueur ayant le droit à sa «première faute», on pourra s’amuser à calculer que le spectateur va assister à 22 fautes grossières avant que l’arbitre puisse cartonner. Bien entendu, il sévira avant, car il tient à «tenir le match». Le scénario usuel veut néanmoins qu’après la première «première faute», écartant un joueur du terrain sur blessure, puis une deuxième, blessant un joueur sans le sortir, mais qui le fera boiter bien bas tout le long du match dont il aura été mentalement sorti tellement il a mal, c’est à la troisième grosse faute que l’arbitre sortira son premier jaune.

« Et là, pas de carte? »

Entretemps, l’équipe adverse, pourtant partie sur de bonnes bases, a perdu un joueur, a grillé un changement, a deux joueurs qui boitent, et s’en énerve. Le scénario comporte dès lors deux possibilités: soit l’arbitre, parce qu’il a donné un jaune à une équipe, se dit que le suivant est pour les autres. A ce titre, une réclamation est le facteur rêvé pour «calmer tous les esprits». Soit il ne se dit rien et continue à arbitrer du mieux qu’il peut (et souvent plutôt bien), mais sanctionnera une faute, même moyenne, parce que les adversaires enjaunés lui crieront une phrase à exploiter, du genre «Et là arbitre, tu ne mets pas la carte?»

L’arbitre a-t-il protégé les joueurs?

Quelle que soit la variante du scénario, le bilan à la pause est de «1 à 1» dans les cartons, et l’arbitre s’est convaincu d’avoir bien tenu le match. On peut cependant se demander si sa mission de protéger les joueurs est remplie, surtout quand on voit l’infirmerie remplie de jeunes joueurs talentueux.

Retrouver le plaisir de jouer sans crainte

Je discutais encore récemment avec l’un de mes bons amis retraités, un ancien prof de gymnastique que de nombreux lecteurs de la région nyonnaise reconnaîtront, qui me disait avoir abandonné le football exactement pour cette raison, et s’est de fait consacré à tous les autres sports, notamment le volley à très haut niveau. Aussi, quand les politiques du football comprendront que bien des gens délaissent les terrains et les talus parce que notre sport ne correspond guère aux valeurs de biens d’autres sports, à commencer par le rugby pourtant réputé brutal, on pourra peut-être retrouver le plaisir de jouer sans la crainte de la fameuse «première faute» qui ne peut pas être punie. Mais pour cela, il faudra passer par une période où les arbitres oseront sanctionner d’une expulsion les agressions caractérisées, même à la première minute, et non pas seulement les fautes de dernier recours du gardien, un délit tellement agréable à sanctionner par une expulsion parce qu’il assure à tous les coups la véracité de la bonne mesure et de la bonne foi, et par là même de la bonne conscience. Est-ce aux arbitres de changer cela, ou plutôt aux associations?

David Lugeon, FC Gingins, 2013-2015

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