Bekim Uka, sans faire de bruit

Quinze minutes après le coup de sifflet final à Baden samedi (0-1, lire ici), les joueurs du FC Bavois hurlaient leur joie à n’en plus finir. Avec Aziz Demiri et Marco Grosso en chefs de file, le FCB n’en pouvait plus de célébrer sa montée en Promotion League, à grands coups de cris de guerre et de jets d’eau à travers la figure. Un homme est venu se rasseoir sur le banc de touche, seul, comme pour reprendre ses esprits et savourer ce moment comme il le voulait. Son nom? Bekim Uka. L’entraîneur du FC Bavois n’est pas celui qui va se mettre en avant. D’un naturel discret, il s’est naturellement éloigné et a laissé parler sa joie intérieure. Comme le FC Bavois, Bekim Uka aime la stabilité et fuit le superficiel. Déjà comme joueur, il faisait son boulot et il parlait de football, jamais du reste. L’argent, les problèmes d’infrastructures, les polémiques? Il laisse cela à tous les autres. Lui parle de jeu. Tout le temps.

Un gros bosseur et un vrai passionné de football

Après le match aller face à Baden, mercredi, il a tout de suite analysé les forces et les faiblesses de son adversaire. Où il est fort? Justement dans cette capacité à lire un match en direct. Cet homme-là connaît le football mieux que quiconque à ce niveau et, surtout, il bosse. On l’a déjà écrit, mais il est le seul entraîneur de 1re ligue à véritablement nous bluffer par sa connaissance de tous les effectifs de Suisse romande. Dans une discussion venue de nulle part, il peut instantanément dire si un joueur de Lancy a joué 8 ou 9 matches au premier tour, s’il est gaucher ou droitier. Pas un hasard. Quand un match entre La Chaux-de-Fonds et Stade-Lausanne-Ouchy ne se termine pas, en raison d’une tempête de neige dans les hauts du canton de Neuchâtel, Bekim Uka est là, enfoncé dans sa grosse veste. Ce soir-là, il était le seul entraîneur de 1re ligue que l’on a vu à la Charrière. Un fou? Un perfectionniste surtout, un homme qui sait parfaitement où il va, mais qui ne ressent pas le besoin de le dire.

L’analyse est juste, toujours

Ce n’est pas qu’il n’aime pas les journalistes ou parler de football. Au contraire, il adore ça. Mais avec lui, pas question de parler d’objectif ou de long terme: il sait bien que le football se joue sur le terrain, nulle part ailleurs. Münsingen et Baden? De bonnes équipes, mais il avait identifié les forces et les faiblesses, ce qui lui a permis à chaque fois de dominer personnellement l’entraîneur adverse lors de la deuxième partie de la double-confrontation. En trois jours, entre l’aller à Bavois et le retour à Münsingen, il a trouvé la parade pour faire exploser le bloc défensif bernois. Et entre Bavois et Baden, il a su comment faire pour empêcher les Argoviens de mettre le feu dans sa défense. A chaque fois, le problème était différent, mais à chaque fois il a trouvé la solution.

Le 26 mai 1993, son jour de gloire

Après une belle carrière de joueur passée principalement entre Yverdon Sport et Baulmes, il a rejoint Bavois en 2006 pour terminer tranquillement son parcours d’avant-centre. Son plus beau souvenir? Sans aucun doute ce 26 mai 1993, à Schaffhouse, où il a fait monter Yverdon Sport quasiment à lui tout seul en LNA. YS devait gagner au Breite pour monter et s’est retrouvé à dix à la demi-heure de jeu à la suite de l’expulsion de Sébastien Diserens. L’affaire semblait mal engagée, mais Uka, habituel remplaçant, a marqué… trois fois pour permettre à YS de s’imposer 1-4 et de monter pour la première fois de son histoire en première division. De cela, aujourd’hui, il en parle volontiers si l’on évoque le sujet, mais jamais il ne le mettra en avant. De nouveau, il est loin d’être une grande gueule: ce qu’il a fait de bien, il n’a pas besoin de le crier. Discrétion et humilité, toujours. Quand Yverdon Sport cherchait un entraîneur, l’été dernier, son nom n’a même pas circulé… et ce n’est surtout pas lui qui s’est manifesté. Si un club le veut? Il ne fera jamais le premier pas.

Fidèle au FC Bavois depuis dix ans

A Bavois, il a commencé par être assistant de René Zingg, avec lequel il a obtenu la promotion en 1re ligue, avant de reprendre les juniors A. Il a contribué à l’éclosion d’Eros Pitronaci notamment, et a assisté de l’extérieur à la descente en 2e ligue inter. Son attitude à ce moment-là a beaucoup plu, surtout quand la première équipe a commencé à tanguer avec Giovanni Vavassori. Bavois voulait remonter et les résultats ne suivaient pas. Alors, les prétendants ont commencé à se manifester, venant de plus en plus souvent au match, comme par hasard. Jean-Michel Viquerat a vu les opportunistes affluer, il a reçu des mails, des téléphones et des dossiers par dizaine. Uka, lui, ne s’est jamais manifesté, se contentant de très bien faire son boulot avec les juniors A. Et puis, le président l’a convoqué. « Bekim, tu reprends la I ». Soit. Quatre ans après, il a obtenu la montée en 1re ligue, a fini deux fois troisième et est monté en Promotion League. Il n’aura donc connu qu’un club comme technicien, mais pour l’instant, il a tout fait juste à 100%.

Pas assez de caractère, vraiment?

Les critiques? Il les connaît et il en sourit. Il n’aurait pas assez de caractère, pas assez de poigne. C’est vrai, dans un sens. Jamais il ne criera pendant un match, restant fidèle à sa vraie personnalité. Son diplôme A? Il ne s’en cache pas, il ne l’a pas fait en Suisse, mais cela ne veut pas dire qu’il a moins de valeur qu’un autre. Né dans ce qui était la Yougoslavie il y a 45 ans, Bekim Uka n’est pas de langue maternelle française, même s’il maîtrise très bien cette langue désormais. Pour mettre toutes les chances de son côté, il a donc passé ce diplôme dans sa langue. Et son management ne sera jamais agressif, que ce soit dans le fond ou dans la forme. Un joueur à virer? Il n’aime pas ça, mais il le fait. C’est aussi pour cela que l’effectif de Bavois est si stable: les joueurs s’y sentent bien, jamais mis sous pression. Ils peuvent même sourire avec leur coach, le chambrer un peu, notamment au sujet de son accent ou de sa coupe de cheveux improbable. Ou même au sujet de sa consommation industrielle de cigarettes…

Non, le confort n’est pas un handicap

De ce constat-là est né une crainte: Bavois serait tellement dans le confort qu’il ne monterait jamais. Bien sûr, le président s’énerve parfois et fait passer ses messages, que ce soit au boulot ou sur le terrain, mais l’entraîneur a le mérite, constamment, de laisser parler le terrain, justement, laissant les problèmes professionnels dehors. Alors,  on a entendu souvent (et on l’a pensé, parfois) que les joueurs ne s’arracheraient pas. Pas autant que dans d’autres clubs où ils savent que s’ils ne sont pas bons, ils dégageront dans le mois ou presque. A Bavois, si l’on est gentil, que l’on dit bonjour à la buvette et que l’on travaille bien, on reste au club, en règle générale. Alors, manque de motivation? Pas assez faim, les joueurs? Ce reproche-là est tombé à l’eau en ce 11 juin 2016: Bavois est monté en Promotion League sans dire ouvertement qu’il le voulait, là où tous les autres ont échoué en criant qu’ils voulaient y arriver. Pari gagné. Alors, la saison prochaine, Bavois (950 habitants) ira affronter Brühl, Tuggen et Bâle M21 chaque semaine, ce qui n’était pas forcément au programme. De nouveau, le terrain a parlé et il a rendu son verdict: Bavois et Bekim Uka ont maîtrisé ces finales à la perfection.

Un signe qui ne trompe pas

Tiens, au fait, on va finir avec une observation qui a son importance: aucun de ses joueurs ne dit du mal de lui, que ce soit en public, en privé, après une bière ou après dix. Même les remplaçants? Oui, même eux. Et ça, c’est un signe qui ne trompe jamais.

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